A quand l’harmonisation des réglementations du poker en ligne en Europe ?

Avec plus ou moins de succès, certains pays européens (Italie, France, Belgique, Espagne) ont mis en place ou sont sur le point de mettre en place (Allemagne) des réglementations pour réguler le marché des jeux en ligne (incluant le poker). L’EGBA (European Gaming and Betting Association) avait déjà sonné la sonnette d’alarme sur le risque de fragmentation des 27 mini-marchés qui se profile à terme, lorsque les 27 états européens auront terminés de légiférer dans leurs prés carrés! Selon un processus similaire à ce qui se prépare aux USA au niveau fédéral, il est grand temps que l’Europe harmonise enfin les bonnes pratiques de ses états membres pour répondre au besoin du marché unique européen.

Le constat préoccupant du morcellement du marché réglementaire européen

On ne peut pas reprocher aux états précurseurs (Italie, France,…) d’avoir mis en place des législations nationales pour protéger leurs citoyens d’un certain nombre de risques attachés au jeu en ligne en argent réel (protection des mineurs, blanchiment d’argent, lutte contre l’addiction au jeu, intégrité du sport pour les Paris Sportifs …).

Puisqu’il n’existait quasiment rien au niveau communautaire européen, les états précurseurs n’avaient pas d’autres choix que de faire appel à leurs compétences nationales pour légiférer. C’est par exemple ce qu’a fait la France en votant le projet de loi de l’ARJEL en Mai 2010.

Comme il fallait s’y attendre, il s’en est suivi des dispositions réglementaires disparates entre états. En France par exemple, les jeux de casinos en ligne sont interdits (en dehors du poker), alors que cela n’est pas le cas en Espagne et en Italie. Autre exemple, la législation qui se prépare en Allemagne n’accorderait une autorisation qu’aux seuls Paris sportifs. Ou encore la Belgique qui n’autorise un site de poker en ligne que si celui-ci à signé un accord de partenariat avec un casino terrestre.

Devant la prise de conscience de la dimension transnationale que prenait le jeu en ligne (les internautes européens étant de plus en plus mobiles) et en anticipation d’une action communautaire à venir, les Etats les plus avancés en terme de régulation (Italie, France, Espagne) ont commencés à prendre langue et à échanger leurs points de vue, généralement de façon bilatérale.

Les actions de la Commission européenne pour harmoniser la réglementation du poker en ligne

Sous l’impulsion de Michel Barnier (Commissaire Européen au Marché intérieur et aux Services), la CE a lancé une grande consultation sur les enjeux du marché unique des jeux en ligne, incluant bien évidement le poker, consultation qui a donnée naissance à un Livre Vert (IP/11/358) publié en Mars 2011.

En Juin 2012, s’est tenu un colloque à Bruxelles sur la réglementation des jeux de hasard dans l’Union Européenne.

Enfin, le 23 octobre 2012, Michel Barnier à rendu public son plan d’action (IP/12/1135) qui a pour mission de poser les principes de protection communs à l’ensemble des états membres de l’UE.

Le plan rappelle que presque 7 millions d’internautes s’adonnent à des jeux en ligne dans la CE et que le chiffre d’affaire annuel du secteur pourrait atteindre les 13 milliards d’euros à l’horizon 2015 si la croissance actuelle se maintient (du 15% par an, soit la plus forte hausse parmi les activités de services de l’UE!).

La Commission a pris acte des réglementations nationales existantes (Italie, France, Espagne,…) dans certains états membres précurseurs, mais a dénoncée certains projets en cours (Allemagne, Grèce, Belgique) qui ne respecteraient pas le TFUE (Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne) sur la liberté de mouvement et d’établissement. Interpellée par la RGA (Remote Gambling Association), la Commission a déclarée avoir envoyé des demandes de renseignement aux Pays suspectés d’être délictueux au regard de ce Traité.

Le plan de Michel Barnier prévoit la constitution d’un groupe d’experts, issus de chaque états membres, pour faire des propositions en vue d’aboutir en 2013 à des recommandations dans 3 secteurs principaux: protection, publicité et lutte contre la fraude.

Il n’est malheureusement pas question de la création d’un éventuel partage de liquidités entre tous les états membres. Ceux d’entre nous (incluant l’équipe éditoriale de PokerArgentReel) qui rêvions d’un espace commun en ‘.eu’ devront encore patienter, vraisemblablement pour longtemps !

Si l’Europe ne s’est pas faite en un claquement de doigts, le marché commun du poker en ligne risque de prendre le même chemin, à condition toutefois que le processus arrive bien à son terme. Ce qui est loin d’être gagné au vu des difficultés rencontrées par les commissaires européens, ne serait-ce que pour faire respecter par certains pays les clauses ‘basiques’ existantes du TFUE comme la fameuse clause 56 qui interdit toute restriction de concurrence sur les services entre les Etats Membres. Nous sommes donc encore très loin d’une réglementation commune européenne !

Avec toutes ces difficultés, il se pourrait bien que le projet de loi fédéral sur les jeux en ligne aux USA soit mis en vigueur avant un quelconque aboutissement du projet de coordination européenne ! Cela ne serait pas le première fois que la vieille Europe (pourtant partie avant tout le monde et épargnée par le Black Friday) se ferait doubler par l’oncle Sam.

Espérons que les instances européennes, sur ce sujet du poker en ligne comme sur tant d’autres, sauront faire prévaloir l’intérêt commun de leurs ressortissants (avant toute considération partisane)!